Un rapport parlementaire sur la soumission chimique, porté la députée Sandrine Josso et la sénatrice Véronique Guillotin, sera remis au gouvernement le 12 mai 2025. Ce document formule 50 recommandations dont 15 jugées prioritaires pour lutter contre ce phénomène touchant majoritairement les femmes.
Une réponse institutionnelle à un problème sous-estimé
Le rapport, fruit de l’audition de plus de 100 personnes, dresse un état des lieux inquiétant de la soumission chimique en France. Cette pratique consiste à administrer une substance à l’insu d’une personne pour altérer son discernement, généralement dans le but de commettre une agression sexuelle. Le texte établit une distinction importante entre la « soumission chimique » stricto sensu et la « vulnérabilité chimique », cette dernière concernant l’exploitation d’une prise volontaire de substances psychoactives la victime.
Les chiffres révèlent l’ampleur du phénomène : en 2022, le Centre de référence des Agressions facilitées les substances (CRAFS) a analysé 1 229 cas vraisemblables de soumissions et vulnérabilités chimiques. Une réalité qui touche tous les âges et différents contextes sociaux, des établissements scolaires aux lieux festifs en passant le cadre familial.
Des mesures concrètes à mettre en œuvre dès 2025
Parmi les 15 recommandations prioritaires devant être intégrées aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2026, plusieurs axes se dégagent.
Le rapport préconise l’organisation d’une Conférence nationale annuelle sur la lutte contre les violences, incluant spécifiquement la soumission chimique. Cette initiative vise à rassembler les acteurs concernés pour définir des stratégies coordonnées face à ce phénomène.
Sur le plan éducatif, les parlementaires demandent un « renforcement des moyens au bénéfice d’enseignements portant sur l’éducation à la vie affective et relationnelle, et à la vie sexuelle » dans les établissements scolaires du premier et second degré.
Le volet médico-légal n’est pas oublié avec une actualisation des textes sur la procédure de recueil des preuves sans dépôt de plainte au sein des groupements hospitaliers, afin d’y intégrer explicitement les victimes de soumission ou vulnérabilité chimique. Cette mesure garantirait la conservation des preuves en vue d’une éventuelle action judiciaire ultérieure.
Le rapport recommande également la généralisation du remboursement des prélèvements biologiques sans dépôt de plainte dès janvier 2026.
Un renforcement du cadre juridique
Sur le plan pénal, la mission parlementaire suggère d’intégrer au code pénal la circonstance aggravante « pour la victime en cas d’état d’ivresse ou sous l’emprise de produits stupéfiants » dans les infractions de viols et d’agressions sexuelles sur personnes particulièrement vulnérables.
Cette proposition traduit une évolution majeure dans l’appréhension des violences sexuelles, reconnaissant que l’état d’ébriété ou l’emprise de stupéfiants devrait constituer un facteur aggravant pour l’agresseur, et non un élément minimisant la gravité des faits.
Un sujet porté une députée elle-même concernée
La démarche de Sandrine Josso s’inscrit dans un contexte particulier puisque la députée MoDem a elle-même porté plainte contre le sénateur Joël Guerriau, qu’elle accuse d’avoir tenté de la droguer à son insu en novembre 2023 afin de l’agresser sexuellement.
Le parquet de Paris a requis début avril un procès devant le tribunal correctionnel contre le sénateur pour « administration de substance de nature à altérer le discernement ou le contrôle de ses actes au préjudice de Sandrine Josso, à son insu, afin de commettre un viol ou une agression sexuelle ».
Cette affaire très médiatisée a contribué à mettre en lumière une réalité souvent tue et a probablement accéléré la mise en place de cette mission parlementaire.
Une prise de conscience collective nécessaire
Si les 50 recommandations du rapport témoignent d’une volonté politique de s’attaquer au problème, leur mise en œuvre effective dépendra des arbitrages budgétaires à venir. La problématique de la soumission chimique se situe au carrefour des politiques de santé publique, de sécurité et de lutte contre les violences faites aux femmes.
Les statistiques montrent que ces infractions sont avant tout commises des hommes contre des femmes, confirmant la dimension genrée de ces violences. Le rapport pourrait ainsi marquer une étape dans la reconnaissance institutionnelle de ce phénomène et dans l’élaboration d’une réponse sociétale adaptée.