Le 2 juin 2025, s’ouvre au tribunal de Bobigny le procès de trois anciens cadres d’Ubisoft. Serge Hascoët, ex-numéro 2 du groupe, Tommy François, ancien vice-président éditorial, et Guillaume Patrux, ex-game director, comparaissent pour harcèlement moral, sexuel et tentative d’agression sexuelle.
Une culture toxique dévoilée
En juillet 2020, une enquête de Libération levait le voile sur des années d’abus au sein du prestigieux service éditorial d’Ubisoft. Dans les bureaux de Montreuil, les témoignages révèlent un environnement professionnel où règnent propos déplacés, humiliations et comportements toxiques.
Neuf plaignants – six femmes et trois hommes – ainsi que deux syndicats se constituent parties civiles. Les récits convergent vers un même constat : une atmosphère délétère où la frontière entre vie professionnelle et personnelle s’estompe, laissant place à des comportements inappropriés systématiques.
Un pouvoir concentré et intouchable
Au cœur du système, Serge Hascoët incarnait une autorité quasi absolue, bénéficiant de la confiance totale du PDG Yves Guillemot. « Pour faire avancer un projet, plaire à Serge était indispensable », relate un ancien employé. Cette concentration du pouvoir créait un cercle privilégié où certains cadres semblaient jouir d’une impunité totale.
Les ressources humaines, censées protéger les salariés, apparaissent comme le maillon faible de l’organisation. Les témoignages dépeignent un service RH passif, voire complice, face aux comportements abusifs des dirigeants.
La loi du silence
La crainte de représailles et la culture de la loyauté ont longtemps maintenu l’omerta. « Ma compagne m’a dit que ma boîte ressemblait à une secte. Ce n’est pas faux ! », confie un employé lors d’un audit interne. Dans ce contexte, dénoncer des comportements inappropriés relevait souvent de l’impossible.
Les victimes racontent leur isolement face à un système verrouillé. Bérénice, l’une des plaignantes, décrit son burn-out après des années d’humiliations et de surcharge de travail. D’autres évoquent des troubles anxieux et une détresse psychologique profonde.
Une responsabilité élargie
Si seuls trois anciens cadres comparaissent, les avocats des parties civiles pointent une responsabilité plus large. Le Syndicat des travailleurs du jeu vidéo dénonce une « méthode de management » basée sur l’omerta. La défense elle-même questionne le périmètre du procès, estimant que l’ensemble de la chaîne managériale devrait répondre de cette culture d’entreprise toxique.
Les trois prévenus contestent l’intégralité des faits qui leur sont reprochés. Le procès, prévu sur cinq jours, promet de lever le voile sur les coulisses d’une entreprise où le prestige masquait une réalité bien plus sombre.