Les défenseuses polonaises du droit à l’avortement retiennent leur souffle avant le second tour de l’élection présidentielle du 1er juin 2025. Le scrutin pourrait marquer un tournant dans l’accès à l’IVG, alors que la Pologne maintient l’une des législations les plus restrictives d’Europe.
Au centre de santé Federa à Varsovie, la gynécologue Maja Drozdzak accompagne des femmes après leur IVG médicamenteuse. Une tâche délicate dans un pays où aider directement à avorter reste passible de trois ans d’emprisonnement. Seuls les cas de viol, d’inceste ou de danger pour la santé de la mère autorisent une intervention hospitalière.
Le duel électoral oppose le centriste Rafal Trzaskowski, en tête au premier tour, à l’ultraconservateur Karol Nawrocki. Le pouvoir de veto présidentiel sur les lois rend ce scrutin décisif pour l’avenir du droit à l’IVG. Le président sortant Andrzej Duda avait systématiquement bloqué tout assouplissement de la législation.
« Ce sont nos corps et nos droits », souligne Maja Drozdzak, qui espère a minima voir la contraception d’urgence devenir accessible sans ordonnance. La coalition au pouvoir dirigée Donald Tusk n’a pas tenu sa promesse de légaliser l’avortement jusqu’à 12 semaines, faute de majorité suffisante.
À 29 ans, Antonina Lewandowska, coordinatrice chez Federa, n’a jamais connu un accès légal et encadré à l’IVG. « Je suis en colère. L’avortement n’a jamais été légal et accessible de mon vivant », témoigne-t-elle.
Face au Parlement, le groupe Abortion Dream Team a ouvert en mars le premier centre dédié à l’avortement en Pologne. « Des femmes ont besoin d’avoir quelqu’un à leurs côtés dans ces moments », explique sa responsable Emilia Niemiec. Dans une pièce intimiste, une affiche encourage les patientes : « Nous nous sauverons nous-même. »
Le député centriste Pawel Blizniuk promet qu’avec un président favorable, « il y aura un élan politique » pour faire évoluer la loi. La décriminalisation de l’aide à l’avortement serait une première étape plus consensuelle qu’une légalisation totale.
En attendant, les militantes poursuivent leur combat quotidien. Entre stress légal et pressions des opposants à l’IVG, elles accompagnent des femmes contraintes d’agir dans la clandestinité, qu’un changement de présidence pourrait progressivement sortir de l’ombre.