À la veille de l’assemblée générale de TotalEnergies, un économiste dénonce une « trajectoire catastrophique » du secteur pétrolier sur les engagements environnementaux, tout en reconnaissant certains efforts de la major française.
L’industrie pétrolière mondiale fait marche arrière sur ses engagements climatiques. Ce constat alarmant émane d’un expert alors que TotalEnergies tient ce vendredi 23 mai son assemblée générale des actionnaires, sous la pression des militants écologistes qui dénoncent « la marche en arrière décomplexée de l’industrie fossile ».
« On est sur une trajectoire qui est absolument catastrophique et on va dans le mur », analyse sans détour Patrice Geoffron, membre du Cercle des économistes et professeur à l’Université Paris-Dauphine. Ce directeur du Centre de géopolitique de l’énergie et des matières premières pointe un phénomène qui dépasse largement le cas de TotalEnergies : « L’ensemble de l’industrie pétrolière est en recul sur ce point. »
Le cas des géants britanniques BP et Shell apparaît particulièrement révélateur. « C’est particulièrement spectaculaire et ça ne date pas de cette année, donc on ne peut pas attribuer cela à Trump », précise l’économiste. Il rappelle que « BP avait été très volontariste il y a quelques années en lançant un mouvement d’objectif de neutralité carbone en milieu de siècle. Pour un grand pétrolier, cela avait sidéré à ce moment-là, mais c’est aujourd’hui en recul. »
Dans ce paysage préoccupant, TotalEnergies présente un bilan contrasté. D’un côté, ses résultats financiers sont « bons parmi les majors », notamment grâce à « son rééquilibrage du portefeuille d’hydrocarbures » vers des zones à faibles coûts de production. De l’autre, le groupe maintient un investissement « constant » dans les « renouvelables électriques », qui représentent environ un quart de ses investissements totaux.
Cette part des renouvelables est « un peu en recul en 2030 rapport à ce qu’étaient les objectifs auparavant, mais il n’y a pas d’effondrement, à la différence de ce qu’on observe chez BP, sans parler des Américains », note Patrice Geoffron.
Ce recul généralisé intervient dans un contexte où les grands groupes pétroliers subissent une double pression : celle des investisseurs qui exigent une rentabilité maximale et celle des militants climatiques qui demandent une transformation radicale du modèle économique. Les actionnaires activistes multiplient les résolutions en faveur du climat lors des assemblées générales, tandis que les résultats financiers solides du secteur pétrolier renforcent la résistance au changement.
« Au global, sur cette industrie, si on regarde les objectifs climatiques, on va dans le mur, on est sur une trajectoire qui est absolument catastrophique », résume l’économiste. Tout en qualifiant la situation de « terrible », il nuance toutefois en reconnaissant que TotalEnergies fait « plutôt mieux que le reste de leur industrie ». Un maigre réconfort face à l’ampleur du défi climatique qui appellerait une transformation bien plus profonde et rapide du secteur énergétique mondial.