Le Sénat a définitivement entériné mercredi une loi qui révolutionne la lutte contre les appels commerciaux indésirables. Désormais, seuls les consommateurs ayant explicitement donné leur accord pourront être démarchés.
Les appels commerciaux intempestifs vivent leurs dernières heures en France. Le Parlement a définitivement adopté une loi contre le démarchage téléphonique, les sénateurs ayant voté mercredi 21 mai en faveur du texte déjà approuvé les députés. Cette législation, qui entrera en vigueur en août 2026, inverse totalement la logique actuelle : au lieu de devoir s’inscrire sur une liste d’opposition, les consommateurs devront désormais donner leur consentement explicite pour recevoir des appels commerciaux.
Un changement de paradigme dans la lutte contre les appels indésirables
La nouvelle loi « contre toutes les fraudes aux aides publiques » contient un volet majeur sur le démarchage téléphonique. Son principe fondamental : interdire aux entreprises de démarcher téléphone une personne « qui n’a pas exprimé préalablement son consentement » de manière « libre, spécifique, éclairée, univoque et révocable ».
Concrètement, les Français devront désormais cocher une case spécifique pour autoriser le démarchage, comme accepter d’être rappelé à des fins commerciales lors d’une inscription ou d’un achat. La seule exception concernera les contrats en cours, pour lesquels le professionnel pourra proposer une offre plus avantageuse, mais uniquement pour le même produit.
Certains secteurs seront totalement exclus du démarchage, notamment les travaux d’adaptation des logements au handicap et à la vieillesse. Cette interdiction sectorielle s’ajoute à celles déjà en vigueur pour la rénovation énergétique et le compte personnel de formation.
Des dispositifs précédents aux résultats limités
Les tentatives antérieures de régulation n’ont pas donné satisfaction. Le dispositif mis en place à la rentrée dernière pour lutter contre le « spoofing » (usurpation d’identité téléphonique) n’a permis d’interrompre que 0,1% des appels suspects.
Quant à Bloctel, créé il y a près de dix ans, moins de 10% des Français s’y sont inscrits. Et pour cause : si le système fonctionne relativement bien sur les téléphones fixes, son efficacité reste limitée sur les portables. Selon un sondage de l’UFC-Que Choisir, les inscrits reçoivent encore en moyenne six appels commerciaux semaine, une nuisance qui agace 97% des Français interrogés.
« Cette fois, c’est la bonne », estiment les experts du secteur, grâce au renversement complet de l’approche.
Des sanctions renforcées pour les contrevenants
Pour assurer l’efficacité du nouveau dispositif, les peines ont été considérablement durcies. Les contrevenants s’exposent désormais à :
- 75 000 euros d’amende pour une personne physique
- 350 000 euros pour une personne morale
- 500 000 euros et 5 ans de prison en cas d’abus de faiblesse
Des inquiétudes dans le secteur de la vente directe
Si cette loi représente une avancée pour les consommateurs, elle suscite des inquiétudes du côté des professionnels. La Fédération de la vente directe alerte sur les conséquences économiques, estimant que « la fin du démarchage menace des dizaines de milliers d’emplois », souvent dans des régions où le marché du travail est tendu. Des milliers d’indépendants et de petites entreprises qui prospectent et se développent grâce au démarchage pourraient voir leur activité fortement impactée.
Un volet contre la fraude aux aides publiques
Le texte ne se limite pas au démarchage téléphonique. Il comporte également un « arsenal » pour lutter contre la fraude aux aides publiques, qui représente environ 1,6 milliard d’euros chaque année selon Thomas Cazenave, député macroniste porteur du texte à l’Assemblée.
Parmi les mesures phares : les gestionnaires des réseaux de distribution d’électricité ou de gaz pourront « directement sanctionner quand ils constatent qu’un consommateur a détourné un compteur ». L’administration pourra également suspendre l’octroi ou le versement d’une aide publique pour une durée de trois mois renouvelable en cas « d’indices sérieux » de fraude.
Cette réforme globale témoigne d’une volonté de renforcer la protection des consommateurs tout en luttant contre les pratiques frauduleuses qui pèsent sur les finances publiques.