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Interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans : entre promesses politiques et réalité réglementaire

Réseaux sociaux interdits aux -15 ans

Le président de la République annonce une mise en œuvre « dans les prochains mois » si l’Europe ne progresse pas assez rapidement sur cette question sensible.

Suite au meurtre d’une surveillante un collégien en Haute-Marne, Emmanuel Macron a relancé le débat sur l’interdiction des réseaux sociaux aux mineurs de moins de 15 ans. Le chef de l’État promet une application effective « dans les prochains mois » si les avancées européennes tardent. Pourtant, les obstacles techniques et juridiques demeurent nombreux.

Une loi française en attente depuis 2023

La France dispose déjà d’un arsenal législatif sur cette question. Une loi votée en 2023 interdit théoriquement l’accès des moins de 15 ans aux plateformes comme TikTok, Snapchat ou Instagram. Cette « majorité numérique » reste lettre morte, bloquée son incompatibilité avec le droit européen.

L’article 28 du Digital Services Act (DSA) impose aux grandes plateformes de protéger les mineurs, mais exige que la Commission européenne précise les modalités d’application. Ces lignes directrices, actuellement en consultation, sont attendues cet été.

Le casse-tête de la vérification d’âge

L’identification fiable des utilisateurs mineurs constitue le principal défi technique. Actuellement, la plupart des plateformes interdisent déjà l’inscription des moins de 13 ans dans leurs conditions générales. Dans les faits, de nombreux enfants contournent cette restriction en falsifiant leur date de naissance.

L’Union européenne développe une solution technologique inspirée du certificat Covid. Cette application permettrait de vérifier l’âge sans révéler l’identité de l’utilisateur, respectant ainsi le règlement européen sur la protection des données. Un dispositif pilote sera testé dès cet été dans cinq pays, dont la France, l’Italie et l’Espagne, avant un déploiement prévu en 2026.

La résistance prévisible des plateformes

Contraindre les géants du numérique à adopter ces outils de vérification s’annonce complexe. Bruxelles ne peut imposer une application spécifique mais compte sur une « pression réglementaire » avec des sanctions en cas de manquement. Les autorités européennes misent sur une contrainte « implicite » en exigeant des plateformes qu’elles utilisent un outil « au moins aussi efficace » que celui développé l’UE.

Les plateformes pourraient résister : les mineurs représentent une part substantielle de leur audience et de leurs revenus publicitaires. TikTok revendique ainsi plusieurs millions d’utilisateurs adolescents en France.

Un front européen en construction

Aucun seuil d’âge uniforme ne sera imposé au niveau européen. Chaque État membre conserve la liberté de fixer sa majorité numérique entre 13 et 16 ans. La France peut compter sur plusieurs alliés pour accélérer la régulation : la Grèce, l’Espagne, Chypre et la Slovénie soutiennent ses propositions.

Le Danemark, qui prendra la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne en juillet, pourrait dynamiser les discussions. Ce pays partage l’exigence française d’une vérification d’âge stricte pour l’accès aux réseaux sociaux.

Calendrier et incertitudes

Les annonces présidentielles butent sur la réalité du calendrier européen. Si les lignes directrices du DSA arrivent cet été comme prévu, leur transposition en droit français prendra plusieurs mois supplémentaires. L’outil de vérification d’âge ne sera opérationnel qu’en 2026 au plus tôt.

Entre-temps, la question de l’application unilatérale la France reste ouverte. Une telle démarche risquerait de créer des tensions avec Bruxelles et pourrait s’avérer techniquement inefficace sans coordination européenne.

Le débat sur la protection des mineurs face aux réseaux sociaux illustre les limites de la souveraineté numérique nationale face à des plateformes globales. Malgré la volonté politique affichée, la mise en œuvre effective dépendra autant des avancées technologiques que de la coordination européenne.

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