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Informatique : inégalités salariales dès l’entrée dans la vie active

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Une étude révèle que les femmes diplômées en informatique font face à des discriminations salariales et hiérarchiques précoces, malgré des qualifications supérieures à leurs homologues masculins.

Des écarts qui se creusent rapidement

Trois années suffisent pour que les inégalités de genre s’ancrent durablement dans les carrières informatiques. Une récente analyse du Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET) met en lumière un phénomène troublant : les femmes diplômées en informatique subissent des discriminations professionnelles dès leurs premiers pas sur le marché du travail.

L’enquête, menée Marion Flécher, maîtresse de conférences en sociologie à l’université Paris Nanterre, s’appuie sur le parcours de diplômées en informatique entre 2010 et 2017. Les résultats révèlent un paradoxe frappant dans un secteur pourtant en quête permanente de talents.

Un secteur qui peine à reconnaître les compétences féminines

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Après trois années d’activité professionnelle, seulement 49% des femmes accèdent au statut de cadre, contre 54% des hommes. Cette différence s’accentue dramatiquement avec le niveau de qualification : parmi les titulaires d’un bac+5 ou plus, 77% des femmes deviennent cadres, tandis que cette proportion atteint 88% chez les hommes.

L’ironie de cette situation réside dans la surqualification féminine. Les femmes sont proportionnellement plus nombreuses à obtenir leur baccalauréat avec mention et à décrocher un master ou un diplôme d’ingénieur. Malgré ces atouts académiques indéniables, elles peinent à faire reconnaître leurs compétences sur le terrain professionnel.

Des salaires déjà inférieurs

L’aspect financier n’échappe pas non plus à ces disparités. Dès la troisième année de carrière, les informaticiennes gagnent en moyenne 100 euros de moins mois que leurs collègues masculins, à compétences égales. Cette différence salariale précoce interpelle d’autant plus qu’elle intervient avant les traditionnelles interruptions liées à la maternité.

Marion Flécher souligne le caractère inexplicable de ces écarts : « En tout début de vie professionnelle, les inégalités salariales chez les femmes ne sont pas encore creusées la maternité et les interruptions de carrière. »

L’exode massif vers d’autres secteurs

La désillusion pousse nombreuses femmes vers la sortie. L’étude révèle que 55% des diplômées en informatique exercent un métier sans lien direct avec leur formation initiale, soit 10 points de plus que leurs homologues masculins. Cette reconversion massive représente un gâchis de compétences pour un secteur déjà confronté à une pénurie de talents.

Les femmes qui quittent l’informatique paient le prix fort de leur reconversion. Elles se retrouvent généralement dans des postes moins stables et significativement moins rémunérés, abandonnant ainsi les bénéfices de leur formation spécialisée.

L’entre-soi masculin comme facteur dissuasif

Si l’étude ne permet pas d’identifier précisément les causes de ces départs, la chercheuse évoque l’impact de l’ambiance de travail. L’entre-soi masculin, caractéristique de nombreuses entreprises informatiques, créerait un environnement dissuasif pour les femmes.

Le récent procès des dirigeants d’Ubisoft illustre dramatiquement cette problématique. Les révélations sur l’ambiance sexiste régnant dans cette entreprise emblématique du secteur français témoignent des défis que doivent affronter les femmes dans cette industrie.

Un héritage des années 80

Cette masculinisation trouve ses racines dans l’histoire récente du secteur. Dans les années 80, lorsque les métiers informatiques ont gagné en prestige et en reconnaissance sociale, ils ont été massivement investis les hommes. Cette tendance ne s’est jamais inversée, faisant de l’informatique la filière scientifique la moins féminisée.

Perspectives d’évolution

Face à ces constats, les entreprises du secteur se trouvent confrontées à un défi majeur. Comment attirer et retenir les talents féminins dans un contexte de forte demande ? La réponse passe probablement une remise en question profonde des pratiques managériales et des cultures d’entreprise.

L’enjeu dépasse la simple question d’égalité. Dans un secteur où la pénurie de compétences constitue un frein au développement, l’exclusion de fait d’une partie significative des talents disponibles représente un handicap économique non négligeable.

L’évolution de ces pratiques nécessitera une prise de conscience collective des acteurs du secteur, soutenue des politiques volontaristes en matière de ressources humaines et de management.

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